Le Génocide de l'Avortement

Gregg Cunningham est directeur exécutif du Centre pour la Réforme Bioéthique (abortionno.org) et est reconnu parmi les plus compétents aux USA sur les questions bioéthiques concernant l'avortement. Son Projet de Conscientisation au Génocide (GAP) fait des tournées dans le pays pour instruire les étudiants sur les similitudes qui existent entre l'avortement contemporain et les formes traditionnellement identifiées de génocide.

Dans leur défense de la "liberté de choix (d'avorter)", beaucoup d'Américains commencent par nier le fait qu'ils sont "pro-avortements." Ils disent être vraiment "personnellement opposés" à l'avortement mais ne pensent pas avoir le droit d'empêcher ce "choix" aux autres. Cependant la plupart de ces gens qui ne sont pas favorable à l'interdiction du "choix" de brutaliser un bébé à naître, soutiennent à juste raison l'interdiction du "choix" de brutaliser les Américains d'origine africaine. Ceux qui défendent le "choix" en préconisant la "neutralité" du gouvernement sur la question de l'avortement devraient peut-être se demander s'il peut y avoir une "neutralité" du gouvernement sur la question raciale. Si le gouvernement retirait soudainement la protection de la loi aux Américains d'origine africaine, cela signifierait-il que le gouvernement resterait neutre sur les questions raciales ou bien qu'il prendrait le parti de ceux qui pensent que lyncher des Noirs devrait être une question "de choix personnel ?" Une telle "neutralité" gouvernementale abandonnerait évidemment des Noirs à un nouveau génocide. Y aurait-il quelqu'un pour proclamer une morale selon laquelle "je suis personnellement opposée au lynchage des Noirs, mais je ne pense pas qu'on devrait interdire le lynchage des Noirs" ? Ou encore "je ne suis pas en faveur du lynchage des Noirs, mais je suis pour le droit de lyncher les Noirs."

Les partisans des "Droits des États" [dans le contexte précédent la guerre de Sécession] ont en fait par le passé embrassé la position classique de "pro-choix" : Ils ont argué du fait que si les abolitionnistes n'aimaient pas l'esclavage, la solution était pour eux de ne pas acheter d'esclaves. Ils étaient furieux à l'idée que les "amoureux des nègres" puissent être autorisés à imposer leur moralité raciale aux propriétaires d'esclaves qui ne faisaient que défendre leurs droits constitutionnels. Que le "choix" de prendre d'autres pour victimes soit défini en termes de race, d'âge, de sexe ou de n'importe quel autre critère spécieux, le concept de la "neutralité" gouvernementale sur le génocide est un mythe intellectuellement malhonnête. Ceux qui rejettent l'application de cet argument à l'avortement le font généralement parce qu'elles ne croient pas que les enfants à naître sont des "personnes." Mais c'est exactement ce que les racistes disaient des Noirs.

Le Centre pour la Réforme Bioéthique affiche publiquement de grandes photos comparant les victimes de l'Holocauste des Juifs, les Noirs tués dans des lynchages racistes et les enfants à naître avortés, pour enseigner la similitude conceptuelle entre l'avortement et les formes largement reconnues de génocide. C'est important parce que le mot "avortement" a perdu presque tout son sens. Les descriptions visuelles de l'avortement sont indispensables à la restauration de ce sens parce que l'avortement représente un mal si inexprimable que les mots nous manquent quand nous essayons de décrire son horreur. L'avortement continuera à être banalisé jusqu'à ce que les Américains comprennent les parallèles entre les génocides historiques et le génocide de l'avortement qui a lieu en ce moment — le génocide contemporain dont nous sommes nous-mêmes responsables.

Affiche GAP
Une des grandes affiches du GAP

Nous appelons cet effort le Projet de Conscientisation au Génocide (Genocide Awareness Project, GAP) parce que le dictionnaire définit le "génocide" comme la “destruction systématique d'un groupe ethnique.” Cette définition s'applique directement à l'avortement. "Le groupe ethnique" est constitué des enfants à naître de notre pays et ils "sont détruits" actuellement dans une proportion d'un pour 3 enfants conçus.

Les tueurs ne peuvent pas être beaucoup plus "systématiques" que cela. L'élimination par Pol Pot d'un Cambodgien sur 4 est invariablement décrit comme un "génocide" malgré le fait que ses exécutants partageaient la même appartenance ethnique et la même nationalité que leurs victimes. Ils ne cherchaient pas non plus à tuer tous les Cambodgien du monde, mais seulement ceux dont l'existence leur semblait subjectivement gênante. Et dans les dictionnaires les définitions du génocide ont peu à faire avec le nombre total de victimes. Les récents massacres de "seulement" un Bosniaque sur 20 ont été partout dépeints comme des "génocides" malgré le fait qu'un sur 20 représente peu à côté du nombre de Juifs européens (3 sur 4) exterminés par l'Holocauste. Au total six millions de Juifs en sont morts, mais au moins 36 millions d'enfants à naître ont été tués aux USA rien qu'entre 1973 et 2000.

Le rabbin juif orthodoxe Yehuda Levin de Brooklyn (New York) est d'accord pour dire que l'avortement est un génocide. Il dit qu'il peut honnêtement être comparé à l'Holocauste, aux lynchages et à toute autre forme de génocide. Il explique que :

Chaque forme de génocide, qu'il s'agisse de l'Holocauste, du lynchage, de l'avortement, etc., diffère de toutes les autres par l'identité, les motifs et les méthodes de ceux qui l'ont perpétré. Mais chaque forme de génocide est semblable à toutes les autres parce qu'elle comporte le massacre systématique de victimes innocentes et sans défense — tout en leur refusant la qualité de "personnes" — le tout présenté comme un "choix" approuvé par l'État.

Interrogé par la presse sur ce qu'il avait pensé de notre affichage GAP sur un campus universitaire dans lequel il avait parlé récemment, le survivant de l'Holocauste et lauréat du prix Nobel Élie Wiesel a déclaré "je le perçois comme mauvais. Une fois que vous commencez à comparer, tout le monde y perd." Mais Ellen Meyer, contemporaine de M. Wiesel n'est pas d'accord avec lui. Car elle établit justement cette équivalence dans le numéro d'avril 1998 du Centralian. En raison de son éducation sous le régime Hitlérien et de l'extermination des membres de sa famille juifs, elle a récemment écrit une comparaison de l'Holocauste et de l'avortement, en concluant que "... dans l'Allemagne Nazie et en Amérique aujourd'hui, des millions de vie innocentes sont éliminées par les actes arbitraires mais légalisés de ceux qui en ont le pouvoir." Le chroniqueur juif Ben Stein fait écho à ce sentiment dans le numéro de mai 1998 de l'American Spectator :

... [ les pro-avortements] ne peuvent pas regarder en face leur oeuvre ou l'ouvrage qu'ils défendent. Dans tout le pays, ils s'écartent des photos des bébés tués par avortements. Par leurs groupes politiques puissants, les pro-avortements forcent les stations de TV à refuser les annonces publicitaires montrant le produit des avortements par naissance partielle et autres. Ils ne laisseront même pas les téléspectateurs (ni eux-mêmes, je pense) voir ce que leurs politiques ont engendré. Ils sont, du moins par leur esprit, comme les Allemands qui ont refusé de penser à ce qui se produisait à Dachau et qui ont vomi lorsqu'ils l'ont vu — et qui n'ont jamais voulu le revoir.

Certains prétendent que l'avortement n'est pas un génocide parce que le génocide est un "crime de haine" massif. Mais les enfants qui sont tués par avortement ne sont pas moins morts parce que leurs parents ne les détestaient pas aussi violemment que Hitler détestait les Juifs. Et on doit aussi réaliser que la rhétorique du mouvement pro-avortement est souvent aussi haineuse que celle du "Reich de mille-ans." Les pro-avortements emploient souvent le terme "foetus" de la même manière insultante que les antisémites ou les racistes utilisent des invectives pour désigner les Juifs ou les Noirs.

University of North Caroline (Charlotte), 2001
La campagne GAP à l'Université de Caroline du Nord en 2001

D'autres nient que l'avortement est un génocide en insistant sur le fait que l'Holocauste et les lynchages étaient des "meurtres" alors que l'avortement serait un "choix." Ils disent cela parce qu'ils croient que les Juifs et les Noirs sont des "personnes" mais que les enfants à naître n'en seraient pas. Ceux qui ont assassiné des Juifs et des Noirs, cependant, ont refusé la qualité de personne à leurs victimes tout aussi énergiquement que les avorteurs refusent la qualité de personne humaine à l'enfant à naître. Dans son livre Pratique de l'Avortement (Alpenglo Graphics, 1990), le docteur Warren Hern compare l'enfant à naître à un "parasite." Ce mot "parasite" était exactement celui qu'Hitler employait pour déshumaniser les Juifs dans son brûlot antisémite Mein Kampf. Ces insultes ont préparé le terrain pour que le Reichsgericht, le plus haut tribunal d'Allemagne, prive les Juifs de leurs droits en tant que personnes en 1936. Tuer des Juifs fut ainsi rendu légal. La décision de la Cour Suprême des États-Unis dans l'affaire Roe v. Wade a fait la même chose contre les enfants à naître en 1973, en statuant "que le mot personne... n'inclut pas l'enfant non né." Tuer les enfants à naître est alors devenu légal.

Ce modèle inquiétant se répète d'ailleurs à plusieurs reprises dans l'histoire des États-Unis — presque chaque fois qu'une minorité en état de faiblesse se trouve en travers de notre chemin ou possède quelque chose que nous convoitons. Frank Tannenbaum dans son livre Esclave et Citoyen (Knopf, 1947), estime qu'il y a eu entre 13 et 20 millions de Noirs qui ont été capturés pour être expédiés dans le Nouveau Monde, du 16ème siècle au milieu du 19ème. Il dit qu'un tiers de ce total est mort lors du trajet vers la côte africaine, un autre tiers lors de la traversée de l'Atlantique et que le tiers restant a atteint le Nouveau Monde à peu près vivant. En 1857, la Cour Suprême des États-Unis a déclaré que les Noirs étaient "... une classe d'êtres subalterne et inférieure..." dans son jugement de l'affaire Dred Scott v. Sanford. Tuer des esclaves était alors légal.

Dans leur livre Ota Benga : Le pygmée dans le zoo, Phillips Verner Bradford et Harvey Blume (Delta, 1992), citent une description choquante du New York Times d'un homme africain noir apporté en Amérique et exposé dans la section singes du zoo du Bronx (à New York) en 1906. "...le pygmée n'était pas beaucoup plus grand qu'un orang-outan et cela a été une bonne opportunité pour étudier leurs points de ressemblance. Leurs têtes sont très semblables et tous les deux font une grimace similaire lorsqu'ils sont contents." Quand des majorités puissantes emploient ce genre de comparaisons de forme et de fonctionnement pour déshumaniser des minorités sans puissance, le génocide n'est pas loin.

Cela a été notre argument lors d'une exposition récente des affiches du GAP sur le campus d'une grande université de l'Est des USA. La présidente du Black-Caucus a alors déclaré aux journalistes qu'elle "était offensée" par nos pancartes et elle dénonçait nos images comme étant "racistes." Cette allégation était plus que bizarre puisque les pancartes condamnaient le génocide raciste et qu'à plusieurs reprises des douzaines de bénévoles qui nous aidaient à tenir les pancartes étaient des pro-vie américains d'origine africaine (dont deux étaient des pasteurs noirs, l'un d'entre eux étant un vétéran du mouvement des droits civils des années 60).

Historiquement, les attaques sur l'humanité de n'importe quelle classe de victimes ont été employées comme fondement des attaques contre les droits de ce groupe à la personnalité. La personnalité est un statut juridique conféré ou refusé par la société, qui est logiquement indisponible pour les "sous-humains." Dans un morceau de propagande brute publiée dans le numéro du 12 avril 1990 du magazine Parade, feu Karl Sagan, un astrophysicien scandaleusement pro-avortement, comparait de manière défavorable les enfants à naître aux vers segmentés, aux poissons, au batraciens, aux tritons, aux têtards, aux reptiles et aux cochons.

Cette pratique de la déshumanisation des minorités défavorisées a également facilité le génocide contre les Américains Natifs [les Indiens, NDT]. Selon le livre La régénération par la violence de Donald Slotkin (Wesleyan University Press, 1973), William Bradford, le gouverneur de la Colonie de la Baie du Massachusetts, a ouvert la voie à la foule des blancs qui dénonceraient l'Indien comme une "bête sauvage..." En 1881, écrivant dans la Revue du Droit Américain (15 janvier : 21-37), l'expert en droit George F. Canfield était de l'avis qu'“un Indien n'est pas une personne au sens de la constitution.” Il ajoutait :

Le Congrès peut empêcher un Indien de quitter sa réserve, et pendant qu'il est dans une réserve, il peut le priver de sa liberté, de sa propriété, de sa vie... Le Congrès peut rompre ses traités avec lui comme il peut abroger une loi.

Il était alors tout-à-fait légal de tuer les Américains Natifs.

Les femmes n'ont pas non plus échappé à cette tendance tragique. Stephen Gold note dans La Démesure de l'Homme, (Norton et Cie., 1981) que Gustave Le Bon (disciple de Darwin et père de la "psychologie sociale") croyait que :

[même chez] les races les plus intelligentes [il y a] un grand nombre de femmes dont les cerveaux sont plus proches par la taille de ceux des gorilles que des cerveaux masculins les plus développés. (..) Les femmes représentent les formes les plus inférieures de l'évolution humaine et (...) sont plus près des enfants et des sauvages que de l'homme civilisé adulte.

Contester l'humanité des femmes a naturellement facilité le refus de leur droit de voter, de posséder une propriété, de faire des études, de prendre un emploi, d'être dédommagées de manière juste, etc...

William Brennan dans son livre La Déshumanisation du Vulnérable (Loyola University Press, 1995 — en général vous trouverez plus d'information sur les exemples précédents dans l'oeuvre du Dr. Brennan), explique que la dépréciation de la personnalité féminine a aussi créé un climat dans lequel le Mississippi a légalisé le fait de "battre sa femme" en 1824 et que d'“autres États ont bientôt suivi le mouvement.” Il est impossible de connaître combien de femmes ont été tuées par cette coutume génocidaire mais nous savons qu'elle est considérablement antérieure à cette loi du Mississippi et qu'elle reste largement — quoique illégalement aujourd'hui dans notre pays — pratiquée à ce jour.

Il est facile de condamner un génocide historique qui a été commis par d'autres — il y a longtemps de cela et fort loin d'ici. Il est difficile de reconnaître notre propre responsabilité dans le génocide qui se produit ici et maintenant. Les Sudistes auraient rejeté avec colère cette responsabilité en 1850. Les Allemands auraient fait la même chose en 1940. De la même manière, nous luttons pour tenter de justifier notre barbarie contemporaine : l'avortement. Elle semblera beaucoup moins défendable à nos arrière-petits-enfants. Mais si le passé tord le futur, nos petits-enfants pourraient justifier l'oppression de leurs propres victimes.

Nous pouvons briser ce triste cercle vicieux. Nous n'avons en fait pas besoin de tuer nos bébés pour protéger notre futur. Nous pouvons vraiment faire mieux que l'avortement.

Gregg Cunningham


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