La
province de Buenos Aires possède
à présent son Programme de Santé Reproductive et
de
Procréation Responsable, établi par une loi qui,
après un
très long délai, a été approuvée par
les deux
chambres en un tournemain. Si mes informations sont correctes, le
projet
finalement examiné a obtenu le vote unanime des
représentants du
peuple. On a du mal à admettre que pas un seul sénateur,
pas un
seul député, n'ait eu la lucidité et le courage de
refuser
son assentiment à cet abus législatif. La discipline de
parti et
la crainte d'être hué par les cliques
«progressistes» ont
eu raison de l'indépendance d'esprit et de la
responsabilité de la
conscience.
L'expression «abus
législatif» peut sembler par trop sévère ;
je
l'emploie ici, de manière tout à fait respectueuse, pour
désigner le mauvais usage, l'usage excessif et injuste d'une
autorité. En effet, qui sont ceux qui réclamaient la
sanction de
cette loi ? A-t-elle seulement figuré comme une proposition
claire, dans
les plate-formes des partis ? Est-ce bien cela que demande le peuple de
la
province de Buenos Aires, tellement éprouvé, tellement
soumis
à des carences, tellement atteint dans ses espérances ?
La
qualification d' «abus» n'est pas irréfléchie
de ma
part. Elle est basée sur un enseignement lumineux de la
tradition
catholique, formulé par Jean XXIII dans son encyclique Pacem
in
Terris dans les termes qui suivent : «L'autorité
constitue une
exigence de l'ordre moral et émane de Dieu. C'est pourquoi, si
les
gouvernants promulguent une loi ou rendent un arrêt quelconque
contraire
à cet ordre et, par conséquent, opposé à la
volonté de Dieu, dans un tel cas, ni la loi promulguée ni
l'arrêt rendu ne peuvent obliger en conscience le citoyen,
puisqu'il faut
obéir d'abord à Dieu, ensuite aux hommes ; et ce qui est
pire,
dans une situation semblable, l'autorité cesse d'être
telle et
engendre un abus épouvantable.» Dans le vote de la loi
provinciale
ont probablement pesé l'impatience du Ministre national de la
Santé, qui a besoin de décharger son amas de pilules et
de housses
élastiques, ainsi que la poussée et l'entêtement de
quelques
personnalités marquantes de la vie politique nationale qui ont
alimenté les fabriques toujours actives de l'idéologie
féministe.
Le programme
approuvé, comme celui imposé par le Parlement de la
Nation,
ratifie une ingérence de l'État dans l'intimité de
la
famille et de la vie personnelle des citoyens, succédané
maladroit
d'une bonne politique familiale. Les législateurs ont
assumé comme
un devoir et une fonction de l'État l'incitation à une
procréation responsable, comme s'il était dans les
capacités et la compétence des organismes publics de
déterminer quand la procréation est responsable ou dans
quelle
mesure les Argentins jouissent de la santé sexuelle. C'est ici
qu'affleure le socle idéologique de l'initiative, et avec lui
une vision
réductionniste de la personne humaine et de l'ordre familial,
une
conception de la sexualité déliée de l'amour, du
mariage et
de la famille.
Ainsi que d'autres normes
du même acabit, les dispositions de la loi provinciale visent,
essentiellement, à la diffusion d'information — par des agents
préalablement instruits pour mener à bien cette
tâche
— et à la distribution de contraceptifs et de
préservatifs.
La loi énonce quelques desseins louables : protéger la
famille,
société naturelle antérieure à
l'État ;
valoriser la maternité ; reconnaître le droit à la
santé et à la dignité de la vie humaine (on aurait
pu
ajouter : depuis l'instant de la conception jusqu'à la mort
naturelle) ;
réduire la morbidité et la mortalité des
mères et
des enfants ; garantir aux femmes l'intégralité des soins
pendant
la grossesse, l'accouchement et la suite des couches. De très
bonnes
choses, toutes. Mais nous nous demandons comment feront les
autorités
provinciales pour concrétiser dans le réel ces propos,
qui ont
tout l'air de n'être que purement rhétoriques lorsqu'on
les
confronte à d'autres points de la loi, ambigus ou
contradictoires par
rapport aux dignes intentions proclamées. L'un des objectifs
signale :
«Prévenir, au moyen de l'information et
l'éducation, les
avortements» ; et un autre : «Mettre en priorité les
soins de
santé reproductive des adolescentes». On propose, en
outre,
d'universaliser l'information, de manière à lui permettre
d'atteindre tous les habitants de la Province, en particulier les plus
jeunes.
Qui se chargera de cette mission ? En quelles mains sera placée
l'éducation de nos adolescents sur une matière si
essentielle et
délicate ? Quelle sera la conception de la personne, de l'amour,
de la
sexualité, de la famille, qui inspirera la formation promise
«d'enseignants, de professionnels et de personnel
spécifique en
éducation sexuelle» ? On parle «d'aider la famille
dans
l'éducation des enfants en cette matière» :
respectera-t-on
véritablement le droit des parents à décider de
l'information qu'ils voudront offrir à leurs enfants mineurs ?
Il est
à craindre qu'il n'en soit rien. Au-delà de la simple
suspicion,
on peut observer qu'est érigée en principe la
satisfaction de
l'intérêt supérieur de l'enfant, qui pourrait
être
invoqué pour contourner ou mépriser l'autorité
parentale.
L'État se propose également «d'informer sur les
âges et
les intervalles génésiques considérés les
plus
adéquats pour la reproduction». Cet euphémisme
cache,
certainement, la distribution de contraceptifs. Mais l'ingérence
de
l'État touche également les garçons : on
encouragera leur
participation aux soins de la grossesse, de l'accouchement et des
suites de
couches, de la santé reproductive et de la paternité
responsable.
Encore un euphémisme. En fait, pour engager ce changement
culturel de la
population masculine, on leur distribuera gratuitement l'accessoire en
latex qui
a rendu célèbre le nom de son inventeur
présumé,
l'Anglais Condom. La contradiction la plus importante se trouve dans le
dernier
objectif indiqué par l'article 2. Il y est affirmé que
dans tous
les cas, les systèmes fournis seront non-abortifs, mais on
précise
aussi «approuvés par l'ANMAT». Or, cet organisme
d'État
chargé de l'approbation des médicaments a autorisé
des
produits et des instruments abortifs. C'est une affaire qui vient de
loin : en
1997 déjà, le Ministère de la Santé et de
l'Action
Sociale a autorisé la mise en vente d'une combinaison d'hormones
stéroïdes synthétiques dont l'effet principal est de
produire
sur la muqueuse de l'utérus certains changements qui
empêchent la
nidation d'un embryon récemment conçu, et
entraînent ainsi
un avortement ultra-précoce.
Il
faut reconnaître la valeur de l'alinéa qui se propose
d'assurer que
le programme ne servira pas à mettre en oeuvre des politiques de
contrôle démographique. Peut-être les
législateurs
n'ont-ils pas remarqué que le vote de cette loi répond
déjà à une intention anti-nataliste. On sait avec
certitude
que ces programmes de santé reproductive sont imposés aux
populations sous la pression des organismes liés aux Nations
Unies et aux
centres financiers internationaux, qui soumettent leur consentement de
crédits à l'adoption de mesures contribuant à
réduire la population des pays pauvres, ou appauvris comme le
nôtre. Il serait important de savoir qui finance l'acquisition
massive des
contraceptifs et autres éléments à distribuer. Par
ailleurs, l'expérience des pays soumis depuis des années
à
des programmes comme celui qui sera maintenant appliqué à
notre
peuple, nous autorise à prévoir et à craindre des
résultats catastrophiques, exactement contraires aux
résultats
avantageux que l'on prétendait obtenir : multiplication du
nombre
d'avortements, propagation des maladies sexuellement transmissibles,
progrès dévastateur du fléau du SIDA,
accroissement de la
promiscuité et ruine du sens
moral.
L’aspect totalitaire des
mesures adoptées apparaît dans l'omission du droit
à
l'objection de conscience des professionnels de la santé et de
l'éducation, ainsi que dans l'imposition du programme aux
instituts
éducatifs privés, excès intolérable qui
porte
atteinte au principe de la liberté
d'enseignement.
Le programme provincial
de Santé Reproductive et de Paternité Responsable attend
maintenant son adoption par les communes. Celle de La Plata a
donné
l'exemple de la célérité : d'après les
publications,
elle met déjà à la disposition des consommateurs,
pour
commencer, un millier de stérilets, sept mille doses de
contraceptifs
hormonaux et trente mille préservatifs. Le Secrétariat
Municipal
de la Santé, si peu enclin à faire face à la
sous-alimentation de milliers d'enfants, à la transmission
croissante du
virus Hanta et aux assauts de tant d'autres plaies qui sont le fruit de
la
misère, s'empresse d'assurer aux habitants du canton les
bénéfices gratuits de la nouvelle loi. Une curieuse
manière
de s'occuper de la santé de la population.